samedi 29 janvier 2011

Une image pour transformer le monde


Je vous propose quelques images que je trouve intéressantes comme agent de transformation de la réalité.  Des images simples qui modifient notre appréhension d'éléments quotidiens et qui les transportent dans un univers à la lisière du réel et de l'imagination.  Cette particularité de l'image de représenter un objet réel est renversé ici et la réalité entre dans le monde de l'image.



De plus, ces images nous rappellent également l'importance du point de vue.  Dans ces quelques exemples, le "regardant" doit prendre la même position dans l'espace que celui qui a conçu l'image.  Ces images prennent place dans la réalité en modifiant brièvement notre perception spatio-temporel de notre environnement.

samedi 22 janvier 2011

L'oeil pour toucher

The lonely metropolitan, Herbert Bayer, 1932

Ce montage photo de Herbert Bayer, réalisé en 1932, semble faire écho à mon commentaire précédent.  Les yeux maintenant logés dans les mains servent à toucher le monde.  Ce sont les yeux qui manipulent les outils qui nous permettent de construire notre société.  La main qui la première saisit un outil et modifia son environnement se fait maintenant usurper sa place par l'oeil.  L'oeil qui comprend le monde via les images sans cesse reproduites par de nouveaux outils.  Les écrans, les symboles, les affiches meublent notre environnement et nous finissons par ne voir que ces images et non ce qu'il y a derrière.

C'est le syndrome du cockpit du pilote comme le présente J. Baudrillard.  Notre rapport au monde se fait par l'entremise d'un outil, d'un symbole.  Tout comme l'altimètre du pilote lui indique son altitude sans qu'il ait à regarder dehors, nous nous fions à la lumière verte à l'intersection pour savoir que la voie est libre, nous ouvrons le téléviseur pour savoir ce qui se passe ailleurs en ville, dans la province, sur le globe.  Pour prendre des nouvelles de nos amis, nous allons voir leurs photos sur Facebook.  Bref, entourés de murs d'images, nous devenons tranquillement aveugle au monde autour.

Nous sommes devenus experts à décoder les images, au point où le monde non médiatisé peut souvent apparaître chaotique, désordonné, insensé.  Nous donnons sens aux choses par les images, nous les ordonnons à l'intérieur d'un cadre, restreint, qui place une distance entre nous et le monde, créant un nid confortable, mais illusoire.  Et tout comme sur la photo de Bayer, ces mains-yeux, paumes ouvertes, ne sont pas tournées vers le monde, mais vers nous.  Alors que nous pensons regarder au loin, vers l'inconnu, vers le nouveau, vers l'altérité, nos yeux sont en fait fixés sur nous.

Ces outils ne sondent pas le monde, mais notre propre société, qui se referme sur elle-même, protégée par une barricade d'images. La main-oeil construit les mêmes images qu'elles regardent.  Et tel Narcisse, nous tombons amoureux de nos propres images...  Mais subirons-nous le même sort que ce dernier?

vendredi 21 janvier 2011

Une image pour comprendre

Je suis tombé sur ce reportage du Code Chastenay à Télé-Québec et, curieusement, il rappelle quelque peu les discussions que nous avions eu lors du dernier séminaire.  Il traite de la volonté scientifique de photographier un électron.  Le problème est qu'il est si rapide, qu'il est impossible de faire un flash assez bref pour immobiliser l'électron.  Bref, ce que je trouve intéressant de cette problématique scientifique est que tout comme avec les projets de Edgerton, c'est par l'image, par la médiatisation du réel que notre regard peut se poser sur une chose qui autrement demeure invisible.  Les chercheurs ont besoin de voir l'électron pour le comprendre et ce regard doit se faire via un outil, via une médiatisation.  C'est d'ailleurs un trait dominant de notre civilisation que de comprendre par l'image.  Cette impression de saisir entièrement un phénomène lorsqu'on réussit à le "capturer" dans une image.  Je vous laisse le lien pour voir le reportage qui dure environ un dizaine de minutes.


Un autre lien qui retrace rapidement l'apport de la photographie dans la découverte scientifique et qui illustre cette volonté de toujours réduire la durée d'exposition pour isoler les différents moments d'un mouvement.  De Muybridge et le cheval au galop aux recherches physiques sur l'atome et la quête de la photo en une attoseconde.


Ce qui est intéressant entre les recherches de Muybridge et les recherches récentes présentées dans le documentaire est que dans les deux cas, on cherche à fragmenter le mouvement pour le comprendre.  Notre vision du mouvement apparaît alors d'une toute nouvelle façon.  Cette fragmentation est une certaine forme de rupture épistémologique dans notre conception de l'image.  Avant de séparer le mouvement en une série de petits gestes, le galop du cheval ou le vol de l'oiseau était perçu comme un seul et même geste, mais maintenant, tout mouvement peut être réduit à une suite de moments "immobiles" qui s'agencent pour former un mouvement.  Ce qui est sans aucun doute à l'origine du cinéma d'animation, sujet sur lequel je reviendrai souvent sur ce blogue puisqu'il est au centre de ma recherche.

Mais cette volonté de tout décomposer en petites unités n'est pas exclusif à l'image, bien qu'elle en soit souvent le vecteur.  Les recherches physiques ne se fondent pas sur les images pour comprendre les molécules de la matière, mais en passant par l'imagerie de ces molécules, la science semble mieux saisir son objet.  L'image peut donner une "matérialité" à ce qui apparaît "immatériel" car invisible dans la matière.  Si l'on prend un morceau de bois, il est assez aisé de palper sa matérialité, mais l'existence de molécules, d'électrons ou de neutrons est difficilement vérifiable.  Ils sont carrément invisibles, donc au premier abord, ils ne sont pas matériels.  En réussissant à faire une image de ces molécules de bois composées d'atomes et d'électrons, ils "surgissent" de l'invisibilité et prennent forme.  Ils deviennent matériels, au point où la science devient de plus en plus apte à les manipuler.  Mais sans cette image, ils ne sont que spéculations et restent presque impossibles à saisir.

Bref, le monde de l'image dédouble le monde sensible en ajoutant des couches de perceptions qui dépassent nos sens.  Notre compréhension du monde devient super-sensible puisque nous avons des outils qui accentuent constamment nos sens et surtout celui de la vue.  Peut-être qu'un jour ces outils deviendront carrément nos yeux et nous scruterons alors un monde que personne aujourd'hui n'a encore vu.